Non, il n’est pas question de « bugs » dans le cerveau, mais bien de toutes les fausses croyances et informations erronées qui circulent encore dans le domaine des neurosciences, auprès du grand public et même encore chez certains chercheurs ! Certaines dérivent d’une mauvaise communication journalistique, d’autres tout simplement de nouvelles découvertes pas encore mises à jour. Voici une série d’articles à propos des mythes les plus tenaces sur notre beau cerveau. Nous commençons par l’un des plus répandus: nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau.
Mythe n°1 : nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau.
Ah, quel fantasme que de penser que nous n’exploitons pas tout notre potentiel cognitif… Nous rêverions de pouvoir accéder à ces 90% manquants comme Lucy dans le film éponyme de Luc Besson, jusqu’à fabriquer un superordinateur, remonter le temps et comprendre l’essence même de la vie. Ou bien encore comme dans Inception de Christopher Nolan et pouvoir accéder à un tout autre monde lorsque nous rêvons !
Cela étant dit, bien qu’il ne représente que 2,5% du poids de notre corps, notre cerveau en est l’organe le plus gourmand en énergie : plus de 20% du total d’oxygène métabolisé. La nature étant bien faite, il serait absurde de posséder un tel consommateur énergétique sans s’en servir pleinement, et le processus de sélection naturelle l’aurait largement amoindri.
De plus, toutes les techniques d’imagerie actuelles comme le marquage radioactif du 2-deoxyglucose, les IRM fonctionnelles ou la tomographie par émission de positron (TEP) peuvent parfaitement mettre en lumière l’utilisation de toutes les zones du cerveau. Le cerveau est organisé en aires et noyaux qui ont chacun leurs fonctions, donc on peut dire que tout ne fonctionne pas de manière erratique au même moment (c’est le cas lors d’une crise d’épilepsie généralisée) afin d’optimiser la transmission d’information.
Les cellules gliales à l’origine du mythe ?
Mais alors, d’où provient ce mythe si tenace ? Il y a sûrement eu plusieurs origines, comme Albert Einstein qui aurait déclaré utiliser plus de 10% de son cerveau, ou encore une déformation journalistique. En effet, au milieu du 19ème siècle, plusieurs chercheurs dont Rudolf Virchow, Theodor Schwann et Robert Remak découvrent l’existence de nouvelles cellules dans le cerveau en plus des neurones : les cellules gliales.
Leur nom dérive du mot « glu » car on considérait à l’époque que seuls les neurones étaient responsables du traitement de l’information (et donc de l’intelligence) et que ces nouvelles cellules remplissaient le « vide autour » et faisaient office de glu. Elles constituent en volume autour de 90% (bien que ce nombre soit aujourd’hui débattu) du tissu nerveux, et donc il en a été conclu que nous n’utilisions que 10 % de notre cerveau. Il est néanmoins bien connu de nos jours que nos cellules gliales ont une importance bien plus capitale que de la simple glu !
Voici les quatre types principaux à retenir.
Les astrocytes tirent leur nom de leur forme étoilée et servent de cellules de soutien au neurone, assurent le lien avec les capillaires sanguins et étendent leurs ramifications au plus près des synapses pour former ce qu’on qualifie de « synapse tripartite » (synapse à trois éléments). Ils peuvent agir directement sur la recapture ou la diffusion des neurotransmetteurs entre deux neurones, et donc modulent l’information communiquée !
Les oligodendrocytes et les cellules de Schwann, produisent les gaines de myéline respectivement dans le système nerveux central et périphérique. Cette gaine isolante autour des axones est essentielle pour la bonne transmission du signal nerveux, et en un sens, en produisant plus ou moins cette myéline elles peuvent également agir sur la transmission de l’information.
La microglie représente les cellules immunitaires du système nerveux central. Elles sont en charge d’éliminer de potentiels pathogènes, mais également peuvent provoquer des réactions inflammatoires et se débarrasser des cellules « malades ». Elles sont mobiles dans le tissu nerveux et très dynamiques, et peuvent trier et éliminer des synapses. On dit qu’elles sculptent l’environnement synaptique et peuvent elles-aussi communiquer directement avec les neurones au niveau des synapses.
Les cellules gliales et les neurones dans la transmission de l’information
Les cellules gliales sont loin d’avoir délivré tous leurs secrets, et on réalise chaque jour combien elles ont un rôle tout aussi important que les neurones dans l’échange d’information et donc de notre « intelligence ». Le professeur Volterra, un pionnier de la recherche sur les astrocytes, a dit « Nous savons d’après des études animales qu’en allant des invertébrés aux autres animaux et primates, à mesure que l’intelligence est croissante, le ratio de cellules gliales sur les neurones augmente. ».
Pour en revenir à cette croyance qu’Einstein utilisait plus de 10% de son cerveau, celui-ci a d’ailleurs été étudié après sa mort. Je vous invite par la même occasion à lire l’incroyable saga du cerveau d’Einstein. En bref, les autopsies ont révélé qu’il avait un cerveau plus petit que la moyenne, mais des cellules gliales en plus grand nombre et plus grandes ! Il n’y a bien sûr pas de raccourci direct entre le nombre ou le volume des cellules gliales et le Q.I., mais c’est peut-être un premier indice ?
En somme, nous utilisons tous bel et bien l’intégralité de nos cellules nerveuses, et la génétique ainsi que les facteurs environnementaux et nos comportements peuvent potentialiser notre intelligence. Le cerveau est plastique, et il ne tient qu’à vous de l’enrichir !
Pour d’autres neuromythes mis à mal, voici les deux autres articles de la série:
Crédit de l’image de couverture : image modifiée (coupée) de jambulboy – Pixabay License