Grâce à une étude sur des personnes épileptiques, des neuroscientifiques de l’Université de California (Berkeley) ont pu suivre en détail l’évolution d’une décision dans le cerveau. Si le procédé n’est pas nouveau, la méthode invasive utilisée ici est jugée très dangereuse et habituellement interdite…

De l’impulsion nerveuse qui vous indique un changement dans votre environnement à la prise de décision dans votre cerveau puis à l’action correspondante, tout a pu être enregistré et comparé. En ressort ainsi une meilleure compréhension de notre cerveau, et une explication à « pourquoi certains parlent avant de réfléchir » !

Comment regarder dans le cerveau en détail

Habituellement, pour observer le passage de l’information d’une zone du cerveau à une autre, on utilise :

  • l’électroencéphalographie, avec des électrodes placées sur le cuir chevelu qui enregistrent le signal électrique des neurones
  • ou de l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle : on regarde cette fois les différences de susceptibilité magnétique d’une zone, car activer des neurones implique consommer plus d’oxygène localement donc provoque un afflux sanguin, ce qui diminue la concentration de désoxyhémoglobine

Ici, c’est l’électrocorticographie qui a été employée. La boîte crânienne est ouverte et des centaines de petites électrodes sont placées sur le cortex cérébral (points bleus sur la photographie), sous les méninges (si les électrodes sont placées ailleurs, le nom de la méthode change, cf Wikipedia).

Cette technique est beaucoup plus précise dans les intervalles de temps (on enregistre l’afflux nerveux au moment où il est émis) ainsi que spatialement. Néanmoins, elle présente de grands risques pour le patient puisqu’il faut lui ouvrir la tête, risques jugés inadmissibles sur des volontaires mais indispensable au succès de l’opération sur les cas d’épilepsie traités ici.

Les 16 sujets observés ont réalisé plusieurs tâches variées (autant en type qu’en complexité), comme par exemple écouter un bruit ou une musique et répondre en fonction, regarder des images de visages ou d’animaux puis réaliser une action (répéter un mot, donner un antonyme, réagir dans tel cas…), et leur activité cérébrale a été enregistrée puis analysée.

Les résultats de l’expérience : suivre une décision dans le cerveau

Comme s’y attendaient les neuroscientifiques, le rôle du cortex préfrontal dans la coordination d’interactions complexes entre les différentes régions (perception puis action) a été mis en évidence et prend le statut de « glue of cognition » (colle de la cognition).

Concrètement, ils ont pu voir l’activité électrique se déplacer de la zone associée à l’interprétation d’un stimulus auditif au cortex préfrontal (qui reste en activité jusqu’à la fin) puis être redirigé sur le cortex moteur (qui déclenche alors la réaction musculaire) : on a pu suivre le parcours d’une décision !

Robert Knight, de l’Université de Berkeley, a ainsi déclaré dans son article : « les études très sélectives ont révélé que le cortex frontal est le chef d’orchestre, reliant entre eux les éléments pour aboutir au résultat final ».

Bien entendu, pour les actions complexes, davantage de zones s’activent et on enregistre une réponse plus forte de la part du cortex préfrontal. La vitesse d’échange entre les zones détermine notre temps de réaction global, et un résultat inattendu a été observé : certaines zones du cerveau s’activent très tôt, laissant à penser qu’il se prépare déjà à l’action. « Cela pourrait expliquer pourquoi, des fois, les gens parlent avant de réfléchir » (le cortex moteur s’active avant d’avoir eu le signal complètement traité) conclut ainsi Avgusta Shestyuk de Berkeley également.

Crédit de l’image de couverture : geraltPixabay License