La médecine moderne en France est confrontée à de nombreux défis. La présence de déserts médicaux, la gestion des dépenses, la fréquentation des hôpitaux, le bien-être du patient (pré et post admission) et des professionnels de santé ainsi que le vieillissement croissant de la population avec l’explosion des maladies chroniques. L’ensemble de ces problèmes nous mène à repenser la médecine du futur.

A l’ère du tout numérique, une des solutions se trouve peut-être dans la e-santé. Ce terme généraliste, très en vogue en ce moment est selon la Haute Autorité de Santé « un vaste domaine d’applications des technologies de l’information et de la télécommunication au service de la santé». Cette définition peut être comprise comme regroupant les technologies algorithmiques comme le Machine Learning et Deep Learning, la robotique, et le large domaine de la Big Data au service de la médecine.

Organisation de la e-santé (crédit : Maxime Masson)

Dans cet article, un large éventail des progrès réalisés en e-santé, « la plupart dans des entreprises françaises », va vous être présenté.

« Ce n’est pas les médecins qui nous manquent, c’est la médecine. »

Cahiers, Charles De Montesquieu

(Artiste, écrivain et philosophe Français du début du XVIII siècle)

La e-formation

Le e-learning (apprentissage par moyen électronique) et le partage des savoirs via les MOOC (Massive Open Online Course) constituent une première porte ouverte permettant aux professionnels médicaux de se former à la médecine, la bio-informatique, la médico-économie ou encore les Big Data en santé.

Les technologies (réalité augmentée, virtuelle, m-santé, …) sont aussi utilisées afin d’améliorer l’apprentissage des acteurs de santé.

C’est vers ces technologies que c’est tournée la société SimforHealth, en collaboration avec de nombreux partenaires dont l’Université de Stanford, le CHU de Bordeaux et d’Angers.  Cet appui a permis la création d’une innovation permettant une vision inédite de la formation en santé avec la simulation numérique. Cette technologie plus collaborative, immersive et interactive permet une meilleure prise en charge du patient en proposant des cas cliniques virtuelles.

La e-consultation

La législation définie et encadre 5 actes de télémédecine :

  • La téléconsultation : consultation à distance.
  • La téléexpertise : demande à distance par un médecin de l’avis d’ experts médicaux.
  • La télésurveillance : surveillance d’un patient à distance suite à l’enregistrement et à la transmission des indicateurs cliniques et/ou biologiques de santé de manière automatisée, réalisé par le patient lui-même ou par un professionnel de santé auprès du patient.
  • La téléassistance médicale : assistance à distance d’un professionnel de santé par un autre professionnel de santé (non médicale) au cours d’un acte.
  • La réponse médicale : aide médicale urgente et le téléconseil médical personnalisé

Pour pallier au délai important pour obtenir une consultation, aux patients expatriés ou localisés dans les déserts médicaux, certaines start up ont décidé de se tourner vers une relation Médecin actif vers Patient actif. C’est le cas de Bfordoc qui propose un service de téléexpertise Patient-Medecin. Le patient choisis son médecin puis réponds à un questionnaire. Le spécialiste réalise en 72h l’étude du dossier médical du patient à distance pour orienter et prioriser au mieux les demandes. Ce service est facturé à 30 euros et n’est pour le moment pas remboursé par la sécurité sociale.

De nombreuses sociétés agissent dans l’innovation en matière de diagnostic par la mise en place d’algorithmes visuels. Ces algorithmes permettent diagnostiquer un certain nombre de pathologies. Certains cancers sont détectés en analysant les images radiologiques. D’autres applications comme Optolexia permette de détecter de manière précoce la dyslexie. L’algorithme est capable de suivre et d’analyser les mouvements oculaires lorsqu’un patient lit un texte. L’ensemble de ses données sont ensuite envoyées à une plateforme utilisant un algorithme de machine Learning prédictif de Microsoft afin de détecter le plus tôt possible la dyslexie.

D’autres start up proposent aussi des alternatives, c’est le cas de Lucine. Lucine est un dispositif médical ayant pour objectif de faire diminuer la douleur liée à une pathologie chronique (i.e. : l’endométriose). Le but de cette application est de proposer au patient un diagnostic rapide et de lui offrir différentes solutions comme des stimulations auditives ou visuelles afin de le soulager. En d’autres termes, ce dispositif réalise le diagnostic de la pathologie et le niveau de douleur grâce à un algorithme de reconnaissance faciale et utilise des stratégies cérébrales pour réduire la douleur en utilisant un casque de réalité virtuel.

L’ère de la 5G révolutionne la e-santé

L’arrivé de la 5G dans le domaine de la santé va permettre la communication en temps réel. A la différence de la 4G, la 5G vise en 2020 à augmenter la fiabilité, la réactivité et le débit dans un environnement hétérogène. Cette nouvelle technique de télécommunication constituerait le socle de l’industrie 4.0 (communication de machine à machine) en diminuant le temps de latence de 0,27 seconde à 0,01 seconde.

La 5G nécessite 5 briques :

  • les ondes millimétriques augmentant le spectre de fréquences ET permettant une augmentation du nombre de canaux disponibles.
  • le réseau de petites antennes permettant de pallier à la forte interaction des ondes millimétriques avec l’environnement en évitant les obstacles.
  • le massive MIMO (Multiple Input Multiple Output) augmentant le nombre de canaux entre les antennes et les objets connectés.
  • la focalisation du faisceau vers chaque objets connectés et l’adaptation de la fréquence du faisceau en fonction des applications. Cette méthode permet la diminution de la consommation d’énergie.
  • le full duplex contournant la contrainte de réciprocité qui énonce qu’une antenne ne peut pas transmettre et recevoir deux ondes de mêmes fréquences en même temps. Cette méthode permet alors la communication des ondes hertziennes de mêmes fréquences au même moment.

Du fait de la focalisation, de sa faible portée et de l’adaptation de ce réseau aux différentes applications possibles, le réseau 5G nécessite beaucoup moins de puissance que la 4G. Ces paramètres permettent aussi de diminuer les risques liés aux rayonnement.

Temps nécessaire pour le téléchargement d’un film de deux heures (crédit : Maxime Masson)

Sur le secteur de la e-santé, la 5G permettrait l’apparition de camions médicaux. Ces dispositifs offriraient le contrôle de robot, la réalisation d’opérations, le tout à distance. Certaines opérations ont déjà été réalisé par un chirurgien en chine sur un animal au niveau du foie à une distance de 50 km ou sur un être humain pour une tumeur intestinale à l’hôpital Barcelone en 2019. Cette nouvelle technologie permettrait d’ouvrir le champ d’expertise sur certaine opération. Sachant qu’aujourd’hui, 143 Million d’opérations ne sont pas réalisées dans le monde dû au manque de connaissances médicales.

Vers un meilleur suivi du patient

L’importance du suivi post-consultation et post-opératoire est primordial. De nombreuses start up proposent des solutions permettant un meilleur suivi du patient. C’est le cas de la start-up SATELIA qui propose une télésurveillance par smartphone aux patientx à risque de complications, d’insuffisance cardiaque.  Le start-up Body control Program, propose une application permettant le suivi du patient souffrant d’arthrose après la pose d’une prothèse orthopédique.

La récupération des données est un enjeu majeur pour le suivi des patients. Elle est réalisée par un ensemble d’objets connectés . Par exemple, par la mise en place d’une prothèse connectée au CHRU de Brest afin de connaitre la survenue d’infection post opératoire. Ou la création d’un miroir permettant de connaitre son rythme cardiaque développé au MIT.

Améliorer les soins

L’augmentation du nombre d’innovations au niveau des soins proposés au patient devrait exploser grâce à la synergie de la 5G. Cela permetra la communication des données en temps réel, du machine Learning, du deep Learning et de la robotique.

Microsoft a annoncé en 2011 la création d’un dispositif d’aide à la radiothérapie baptisé Innereye. Ce logiciel est capable de détecter automatiquement par un algorithme de machine Learning les différents organes et tumeurs et de suivre l’évolution morphologique au cours du traitement, le tout sous le contrôle d’un médecin.

La start up DESKI propose une aide au médecin lors de la réalisation d’une échographie cardiaque en utilisant de la reconnaissance d’images médicales par deep Learning. Elle propose aussi une aide au diagnostic par la vérification de la bonne morphologie cardiaque. L’objectif étant d’étendre cette méthode à la gynécologie et à la gastro-entérologie. Cette aide au diagnostic est réalisée aussi en oncologie. Les algorithmes de deep Learning sont capables de détecter un cancer du poumon avec une performance correspondante à 94% à celle d’un radiologiste.

Le monde de la prothèse est lui aussi modifié avec la robotique et l’apparition des algorithmes de deep Learning et de machine Learning. La société Pollen Robotics en est un exemple. Elle travaille sur des prothèses capables de réaliser les mouvements les plus proches de l’être humain. D’autre grand groupe comme le CEA de Grenoble, réalise aussi des prouesses en matière de neuroprothèses. Un neuroexosquelette a été mis en place et permet à un patient tétraplégique de se déplacer.

Les robots peuvent aussi servir à l’aide à la personne. La mise en place de ces technologies au service des équipes médicales en EPHAD a permis une augmentation de plus 50% de participation aux activités de l’EPHAD lorsque celle-ci sont proposées par un robot. Une augmentation du nombre de visites le week-end avec toute la famille a aussi été observé. A certain nombre de robot existe déjà. Par exemple, le robot PEPER permettant l’accueil spécialisé, la télémédecine, la téléconsultation et le robot NAO accompagnant et supportant la rééducation des patients.

Une autre technologie que je n’ai pas encore cité est l’impression de tissu en 3D, permettant de produire des pièces manquantes. La société POETIS a réalisé en 2019 la bio impression d’un cœur en 3 dimensions pour le moment non fonctionnel.

Les drones aussi seront de la partie avec la possibilité de livraison de matériels médicaux dans des zones désertées. C’est le cas de la société Zipline qui a mis en place dans les pays nord-africains la livraison par drone de poche de sang.

L’architecture des hôpitaux va aussi subir un changement suite à ces différentes innovations, en proposant un bloc opératoire plus ergonomique, connecté et plus adapté au bien-être du patient.

Conclusion sur la e-santé

L’expansion croissante du numérique dans le domaine de la santé (la e-santé), nous oblige à nous poser un certain nombre de questions.

Quel sont les enjeux éthiques et technologiques de demain ? Quels vont être les impacts de la e-santé sur la médecine du futur ? Comment anticiper les enjeux économiques, écologiques et juridiques de la e-santé ?

Crédit de l’image de couverture : Bru-nOPixabay License

Article précédentLe meilleur optimizer en IA ? Ranger = RAdam + LookAhead, n°1 sur FastAI !
Article suivantClustering avec l’algorithme DBSCAN
Diplômé du Master Neurosciences International de l’Université de Bordeaux. Le but de mon Master était d’acquérir un panel de compétences techniques et de connaissances sur la physiopathologie synaptique et des circuits neuronaux aussi bien que de forger mon esprit critique. Ainsi, j’ai intégré en 2018 le laboratoire de recherche du Dr Anna Beyeler qui travaille sur les circuits neuronaux de l’anxiété au sein du Neurocentre Magendie à Bordeaux. Ces deux années m’ont permis de me rendre compte de la place importante et grandissante des Big Data dans le domaine des neurosciences. Mes recherches en parallèle de mon métier actuel de formateur, contrôleur et assistant en radioprotection m’ont amené à m’intéresser au vaste domaine de l’intelligence artificielle (machine learning et deep learning). J’ai pu constater l’utilité de ce domaine pour analyser et comprendre le fonctionnement du cerveau humain lors de l’apprentissage ainsi que ses applications multiples en e-santé. Le choix de travailler dans le domaine de l’intelligence artificielle appliquée à la santé est mûrement réfléchi et s’est construit au cours de mon parcours universitaire et continue de se forger par mon apprentissage autodidacte. Actuellement, titulaire d'un certificat "Deep Learning Specialization" obtenu sur Coursera, je perfectionne mes compétences via des tutoriels en ligne sur le Deep Learning. J'effectue aussi l'écriture d'articles sur le site Pensée Artificielle afin d'étendre l'ensemble de mes connaissances et compétences.