Depuis de nombreuses années, l’amélioration opérationnelle de nos outils est un enjeu important, par exemple dans les parcs d’éoliennes. Néanmoins, ces tâches d’optimisation sont bien souvent hors de portée des humains, qui recourent à des modèles mathématiques (on parle de recherche opérationnelle).

L’Intelligence Artificielle a ainsi pu faire valoir ses nombreux avantages, lorsque les toutes premières répliques virtuelles de systèmes réels ont vu le jour : on parle de jumeau digital/numérique. Sur quoi se basent-elles ? Comment peut-on sortir des éoliennes et simuler le comportement de millions d’utilisateurs (individuellement) ?

Qu’est-ce qu’un jumeau digital ?

double numérique bateau
(crédit : Rennett StoweCC BY-SA 2.0)

Le centre de recherche Gartner définit le double numérique (ou jumeau digital) comme « un modèle dynamique d’un objet ou d’un système physique qui repose sur des données de capteurs ». Concrètement, c’est une simulation virtuelle d’un objet physique dans un ordinateur. En voici le fonctionnement :

  • La vue : le double rassemble des données afin de mettre à jour son modèle. Ce sont des traitements de machine learning (afin de généraliser/prédire des comportements, de regrouper des tendances ou utilisateurs, etc…), ainsi que des analyses d’intelligences artificielles (analyse du langage par exemple, avec apprentissage « libre »).
  • La pensée : le jumeau peut être interrogé sur les conséquences des variations de certains paramètres (c’est le mode prédictif). La simulation permet ainsi d’obtenir des résultats analogues à la réalité, sans qu’il y ait la moindre conséquence… Ce qui s’avère très pratique pour les centrales nucléaires (accident théorique), l’aérospatiale…
  • L’action : une solution est généralement proposée par le jumeau (qui doit rétablir la situation ou l’améliorer), et il peut la mettre en place, soit virtuellement (pour en évaluer les conséquences) soit physiquement (par exemple s’il a le contrôle sur certains paramètres d’une usine).

Application au monde réel, grâce à l’IA

La définition est assez simple, le concept plutôt ancien, alors pourquoi reparle-t-on subitement des jumeaux digitaux ?

Grâce au perfectionnement des techniques et de la puissance de calcul, des intelligences artificielles peuvent désormais être utilisées pour gérer les systèmes. Jusqu’à présent, une réplique virtuelle devait être intégralement conçue, ce qui demandait beaucoup de travail (un simulateur de vol par exemple représente des années de recherche et de développement). L’IA, pour sa part, peut apprendre d’elle-même des fonctions qui n’ont jamais été programmées.

Par exemple, DeepMind de Google, mis dans un environnement virtuel sans explication, a appris à marcher, à courir et même à sauter pour arriver au bout d’un parcours ! Le chemin et les actions ont ensuite été optimisés par l’IA.

Voici quelques applications « sensationnelles » dont on entend beaucoup parler en ce moment :

  • Simulation d’accidents : comment va réagir une structure (bâtiment), comment évacuer des personnes de manière optimale (attentats)…
  • Aérospatiale : car faire exploser une fusée coûte cher (ça marche aussi avec les avions, les bateaux, etc…)
  • Centrales nucléaires : de manière générale, tous les secteurs où les conséquences sont désastreuses, chères, complexes, font perdre de l’argent (usine de production)
  • Course automobile : pouvoir s’entraîner contre une voiture fantôme permet de s’améliorer (écurie de Formule 1 McLaren notamment)
  • Entraînement d’IA : pour les IA, il est très important de leur permettre de simuler leurs actions, pour ne pas blesser les personnes autour et pouvoir être performantes
  • Finance, assurance : simuler le comportement de chaque utilisateur et évaluer les risques pour l’entreprise
  • Les villes : que ce soit pour le trafic, la gestion de l’éclairage, les besoins en bâtiments (parcs, écoles, hôpitaux…)
  • etc…

A noter, si vous voulez mettre en place un jumeau numérique, qu’IBM dispose d’une offre dédiée avec Watson.

Vers l’industrie 4.0 et le double numérique de Siemens

Comme on vient de le dire, IBM a pris les devants en offrant des services de « digital twin » dans le secteur de l’Internet des Objets (IoT). Ce n’est cependant pas le premier acteur du marché, et on se souvient de la présentation de Siemens en avril dernier.

Si l’industrie 4.0 représente l’industrie dans quelques années, sur comment organiser les moyens de production avec nos nouveaux outils (IA, virtualisation, objets connectés…), Siemens se veut leader en l’IoT, grâce à son nouveau système d’exploitation IoT : MindSphere (basé sur le cloud).

Une partie de l’activité de l’entreprise est ainsi digitalisée grâce aux nombreuses données recueillies par les capteurs et les objets connectés dans les usines, les véhicules, les installations, et vaut donc d’exemple aux secteurs de l’énergie, du laitier et du pharmaceutique (visés par l’entreprise).

Klaus Helmrich, membre du Conseil d’administration de Siemens AG a ainsi déclaré : « Avec notre portefeuille de logiciels, nous sommes aujourd’hui les seuls à pouvoir offrir un jumeau digital tout au long de la chaîne de valeur, que ce soit en termes de produits, de production ou de sites complets ».

La transition vers cette industrie 4.0, si elle est déjà en marche, soulève des questions éthiques, notamment sur la digitalisation d’une population. Par exemple, en finance, les acteurs ont de plus en plus souvent tendance à nous « donner vie » dans leurs simulations (plutôt que de, comme avant, simuler le comportement de groupes de personnes). Première source de données : nous, et nos identités virtuelles sur Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux (ce qui explique que nos données valent si chères).

Conclusion

A l’instant où vous lisez ces lignes, il y a probablement une IA, quelque part, qui simule votre réaction face à une situation donnée… (mais ne vous inquiétez pas, aucune n’évalue ce que vous pensez de cet article, qui, on l’espère, vous aura plu !).

Crédit de l’image de couverture :8385Pixabay License